Marche dans le froid

Le vent glacial s’engouffre à l'intérieur lorsqu’elle ouvre sa porte d’entrée.
Il fait -25º, il est 15h et le soleil brille encore dans ce ciel bleu clair.
Elle se prépare pour sa marche quotidienne, et même s’il fait très froid, rien ne peut l’empêcher d’exécuter son rituel depuis des années.
Emmitouflée dans des vêtements chauds, elle s’apprête à affronter l’hiver québécois.
Consciente qu’elle doit bouger son corps pour éviter une hypothermie, elle part sur ce chemin enneigé et glacé, d’un élan certain.
Ses premiers pas l’amènent au milieu de la forêt, là où le silence est maître, c’est tout ce dont elle a besoin, seul le cri des corneilles l’accompagne dans une solitude volontaire. Sa vigilance augmente lorsqu’un léger vent en haut des cimes des conifères provoque des chutes de neige se fracassants au sol.
Continuant son parcours, elle remarque des traces de pas dans la neige, là encore, il lui faut faire preuve d’une attention particulière alors son cœur bat plus fort à l’idée de voir apparaître celui qui a laissé ses empreintes.
A grandes enjambées s’enfonçants dans la neige, elle marche avec entrain afin de conserver son corps à une température normale.
Le craquement des pas sur la neige, la buée sortant de ses narines, les joues rougies, elle vit cette balade comme si c’était la première, et tout les jours, elle s’exalte de plaisir, tout en bravant ces conditions atmosphériques difficiles.
La nuit ne va pas tarder car de ce côté du globe, en cette saison, le soleil se couche très tôt et le thermomètre descend encore plus dans le négatif.
Il ne lui reste que quelques minutes pour rentrer à son chalet de bois, après il sera au bon vouloir du tout puissant.
Emprise d’une panique incontrôlable, elle essai de retrouver son chemin, elle est pourtant habitué au climat rude, mais elle s’affole soudain et prend la décision de stopper un instant son élan. Elle a fait l’erreur de laisser sa boussole sur la table de la cuisine et craint de le payer de sa personne.
Son arrêt peut lui coûter la vie, Justine le sait bien, cette nature peut être enchanteresse tant elle est à couper le souffle, mais elle a aussi le pouvoir d’emporter celui qui oublis ses règles de base.
L’esprit embrouillé, dans un pas décidé, elle rebrousse chemin priant pour que le soleil prenne son temps exceptionnellement pour elle.
Son rythme cardiaque s’accélère, elle le sent dans sa poitrine, cela lui provoque une forte douleur, mais sa survie est devenue sa priorité désormais.
Le soleil n’a pas entendu sa prière et a continué de se coucher comme il le fait depuis des milliers d’années.
Dans la pénombre, elle ne perd pas espoir, les pas qu’elles exécute avec détermination ont la faculté de garder son corps au chaud et la conduisent à contrôler ses émotions.
Il n’y a pas de place pour la peur, alors elle ressent soudain une force inconnue l’aidant à dépasser ses limites et elle comprend que son périple arrive à terme, car au bout du chemin glacé, elle aperçoit enfin la lumière automatique devant son chalet.
Les lèvres gercées, elle a peine à parler:
-« Ah, j’y suis arrivé ! Ouf! Me voilà sauvée! ».